II était revenu, dans son pays, en Galilée. Et dans toute la région, il devenait célèbre, on faisait son éloge. Et même à Nazareth, son village natal, où il avait grandi, il prenait la parole dans la synagogue. Ainsi, dès le départ, donnait-il la couleur. Non, il ne serait pas un de ces spécialistes qui sortent des grandes écoles, tout bardés de diplômes, qui viennent de la ville sainte, avec une auréole et munis d'un mandat. Mais il serait un homme, un vrai, bien de chez nous, avec les pieds sur terre. Pas un homme du passé, ou de loin, ou d'ailleurs, mais un homme d'aujourd'hui.
Ainsi donc au village, chez lui, à Nazareth, ce jour-là, il s'assit, en refermant le livre. Tous, à la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Et voici qu'il leur dit : "Cette parole d'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit." Ce n'est pas pour plus tard, dans un monde futur, lointain, hors de portée. Une sorte de grand soir qui permet de rêver. Une sorte d'opium pour que le peuple attende : priez, nous ferons le reste. Une de ces promesses qui vous démobilise. Parce que le bonheur, c'est toujours pour plus tard. Mais non, dit-il, pour aujourd'hui.
Et c'est à nous maintenant, dans notre Galilée, à prendre le relais. Pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée aux pauvres. Pour que les prisonniers retrouvent la liberté. Et pour que les aveugles découvrent la lumière. Pour que les immigrés trouvent accueil et gîte. Pour que ceux qui ont faim gagnent de quoi manger. Pour que ceux qui ont froid gagnent de quoi se loger. Pour que tous les exclus, par les sociétés comme par les religions, les nations, les Eglises, retrouvent une juste place. II n'y a pas de temps à perdre. Car c'est pour aujourd'hui.