Homélie de la fête de l'Epiphanie
Depuis des siècles, historiens et scientifiques s'efforcent de découvrir ce qui s'est réellement passé le jour de l'Épiphanie et qui étaient ces mystérieux personnages venus adorer le fils de Marie. On ne peut pas dire que leurs recherches ont porté beaucoup de fruit. Plusieurs questions demeurent sans réponse.
Une nouvelle étoile est-elle apparue dans le ciel en ces jours où Jésus est né? Peut-on en vérifier l'existence? lui donner un nom? Impossible! Qui étaient ces hommes qui ont suivi l'étoile? Étaient-ils des rois, comme la tradition le rapporte? Rien de plus incertain, car l'évangéliste Matthieu ne parle pas de rois, mais de mages. Et qui étaient ces mages: des savants? Très probablement. Etaient-ils trois comme on le dit habituellement? Peut-être, mais Matthieu ne précise pas leur nombre. Des documents anciens nous disent qu'ils étaient 2, 3, 4, 12. Comment s'appelaient-ils: Balthasar, Melchior et Gaspar? Pas sûr du tout, car ce n'est qu'au XIle siècle que ces trois noms leur ont été attribués de façon définitive.
Tout cela pour dire que, si l'on scrute le récit de l'Épiphanie avec un regard uniquement scientifique et historique, on risque de rester longtemps sur sa faim. Mais, fort heureusement, l'essentiel n'est pas là. Il est dans le message - dans les messages - que l'évangéliste veut transmettre à travers un récit coloré où tout n'est pas à prendre au pied de la lettre, où beaucoup d'éléments ont une valeur symbolique. Exploitons donc cette veine, en nous demandant ce que Matthieu voulait dire aux chrétiens de son temps, et veut encore nous dire, en parlant des mages, d'étoile, de présents exotiques et du retour des pèlerins par un autre chemin que celui qu'ils avaient prévu.
Les mages
Les mages viennent d'un pays étranger. D'Orient. C'est le signe que Jésus n'est pas né pour les hommes et les femmes de sa race seulement (les Juifs) mais pour l'humanité entière. Il ne s'est pas incarné pour éclairer et sauver quelques personnes seulement mais toute personne qui habite sur terre. Les mages représentent toutes les nations et le récit de Matthieu nous rappelle l'importance d'oeuvrer afin que l'humanité entière reconnaisse un jour son sauveur. Les croyants ont à être missionnaires. Ils ne peuvent prendre leur parti de l'incroyance toujours existante, deux mille ans après la naissance de Jésus.
L'étoile
Sans l'étoile, jamais les mages ne seraient arrivés à la crèche. Pour eux, elle fut un signe et un don de Dieu. Aujourd'hui encore, Dieu donne au monde un signe, des signes qui permettent d'aller vers le Christ. Parmi ces signes, il faut nommer l'Église, destinée à être lumière dans le monde. Les mages ont été fascinés par l'étoile, c'est pourquoi ils l'ont suivie. L'Eglise a la mission de fasciner les hommes et les femmes de notre temps, de sorte qu'ils partent à la découverte du Sauveur. En parlant de l'Église, ne pensons pas à des gens qui sont loin de nous. Pensons à notre propre communauté chrétienne, pensons à chacun, chacune d'entre nous. Éclairons-nous? Par notre comportement, interrogeons-nous et fascinons-nous? «Malheur à moi si le n'annonce pas l'Évangile», écrivait Paul (1 Co 9, 16). Malheur à l'Église, si elle n'évangélise pas! Malheur à notre communauté, si elle ne rayonne pas! Malheur à nous si nous n'avons aucun souci d'aider nos frères à trouver le Christ et à vivre de son enseignement.
L'or, l'encens et la myrrhe
On a dit que les mages avaient offert à Jésus de l'or, pour signaler qu'il était le roi du ciel et de la terre; de l'encens pour faire voir qu'il méritait tous nos hommages; de la myrrhe pour souligner qu'il donnerait un jour sa vie jusque dans la mort. Dans son Evangile, saint Jean prend soin de noter que Nicodème apporta avec lui de la myrrhe et de l'aloès quand il vint chercher le corps de Jésus pour le mettre dans le tombeau neuf qu'il avait fait construire (Jean 19, 39). Retenons de tout cela que le Christ mérite qu'on le vénère et qu'on lui offre ce que l'on possède de mieux: son coeur, sa foi, sa sincérité, sa fidélité.
Le départ par un autre chemin
Soulignons un dernier détail qui, dans une lecture symbolique du récit de Matthieu, a probablement plus d'importance qu'il n'y paraît au premier regard. Après avoir été «avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, les mages regagnèrent leur pays par un autre chemin» (Mt 2, 12). Un autre chemin! Ne pensons pas seulement aux routes de pierres, de terre ou de béton que nous connaissons. Pensons surtout aux autres chemins de vie, aux autres façons de penser et d'agir qui s'imposent quand on a vraiment rencontré le Christ. L"Épiphanie est une fête qui appelle à la conversion du coeur et de la vie.