Conte à propos de nos convictions

Le Forgeron et la Flamme Immortelle

Il y avait autrefois, dans un petit village niché au creux des montagnes, un forgeron nommé Théon. Il était réputé pour son habileté à transformer le métal en outils, armes et bijoux d’une beauté inégalée. Mais plus encore que son talent, Théon était connu pour sa droiture. Il refusait toujours de fabriquer quoi que ce soit qui pourrait servir à nuire injustement aux autres, même si cela lui coûtait des clients influents.

Un jour, une rumeur se répandit dans la région : un roi tyrannique nommé Morzan avait entendu parler de Théon et de ses chefs-d'œuvre. Morzan envoya un messager au village pour commander une épée, qu’il décrivait comme devant être la plus puissante et la plus redoutable jamais forgée.

Le messager offrit à Théon un coffre rempli d'or en échange de son travail. Mais Théon, après avoir écouté attentivement la demande, secoua la tête.
— Je ne forge pas d’armes pour ceux qui sèment la peur et la destruction, dit-il calmement.

Le messager, indigné, repartit en promettant que le roi lui ferait regretter sa décision. Peu après, Morzan envoya une troupe de soldats pour capturer Théon. Ils le traînèrent jusqu’au château du roi, où celui-ci, assis sur son trône de fer, le toisa avec mépris.

— Théon le Forgeron, dit le roi d’une voix froide, sais-tu que je pourrais te faire exécuter sur-le-champ pour avoir refusé mon ordre ?
— Oui, Majesté, répondit Théon sans fléchir. Mais je préfère mourir fidèle à mes convictions que vivre en trahissant mon cœur.

Le roi éclata de rire.
— Alors, je vais te donner une chance. Forge-moi cette épée, et je te laisserai partir avec des richesses au-delà de tes rêves. Refuse, et tu périras.

Théon réfléchit un instant, puis il répondit :
— Si vous voulez que je forge une arme, alors je forgerai une épée. Mais elle sera telle que je l’entends.

Morzan, certain de sa victoire, accepta. Il ordonna qu’on donne au forgeron tout ce dont il avait besoin pour son travail. Pendant des jours, Théon travailla sans relâche. Les flammes de la forge dansaient comme jamais, et le bruit du marteau résonnait dans tout le château. Mais personne ne savait exactement ce qu’il fabriquait.

Enfin, Théon annonça que son œuvre était terminée. Il apporta l’épée devant le roi. L’arme était magnifique : la lame scintillait comme si elle était faite de lumière pure, et son équilibre parfait témoignait du talent inégalé du forgeron. Morzan, émerveillé, s’en empara aussitôt.

— Voilà une épée digne d’un roi, dit-il. Mais pourquoi cette étrange inscription sur la lame ?

Sur le fil de l’épée, Théon avait gravé ces mots :
« La justice frappe son maître s’il abuse de son pouvoir. »

Intrigué, Morzan balaya cette mise en garde et ordonna qu’un banquet soit organisé pour célébrer sa nouvelle arme. Mais lorsque le roi tenta de brandir l’épée pour la montrer à ses invités, une chose étrange se produisit. La lame devint brûlante, comme si elle avait été plongée dans un volcan. Le roi hurla de douleur et lâcha l’arme, qui tomba au sol, étincelante.

Théon, debout, expliqua calmement :
— Cette épée est liée à la vérité. Elle ne peut être utilisée que par un cœur pur et une main guidée par la justice. Si elle est brandie pour opprimer ou détruire sans cause, elle se retournera contre celui qui la tient.

Furieux, Morzan tenta de saisir l’épée à nouveau, mais la lame devint encore plus brûlante, et une fissure apparut dans le sol à ses pieds. Pris de panique, les invités s’enfuirent, et le roi, terrifié, laissa Théon repartir librement.

Le forgeron retourna dans son village, où il fut accueilli comme un héros. La légende de l’épée se répandit à travers le royaume, et Morzan, de peur qu’elle ne se retourne contre lui, renonça peu à peu à ses actes cruels.

Théon vécut le reste de sa vie dans la paix, car il avait prouvé que vivre selon ses convictions pouvait non seulement protéger son âme, mais aussi inspirer le changement, même dans les cœurs les plus corrompus.

Et depuis ce jour, la Flamme Immortelle de sa forge continua de briller, rappelant à tous que la vérité et l’intégrité étaient les plus puissantes des armes.